Je n’avais lu, de Louis-Ferdinand Céline, qu’un seul ouvrage, Voyage au bout de la nuit. Malgré mes réserves sur le personnage, j’avais donc fini par céder à la tentation en me concentrant sur le style de l’écrivain. Du coup, l’histoire m’avait quelque peu échappé à l’occasion d’une 1ère lecture, sans que le talent et le génie m’apparaissent ceux tant décriés. De guerre lasse, quelques années plus tard, je me replongeais dans la lecture de cet étrange Voyage, que je finis par assimiler à une sorte de road movie avant l’heure. De Céline, je n’avais jamais rien lu d’autre. Jusqu’à ce que j’entende parler de Guerre, ce manuscrit égaré par l’auteur en 1944, alors qu’il est contraint, face à l’avancée des troupes américaines, de s’enfuir en Allemagne avec les cadres du régime de Vichy.
J’ai pris le temps d’écouter l’interview donnée par l’écrivain à Louis Pawels en 1961. Ce qui ressort de ce moment, c’est la suffisance du personnage sur le style qu’il aurait insufflé à la littérature française. Guerre ne serait qu’une simple préfiguration de Mort à crédit, un autre ouvrage marquant de l’écrivain. Le lisant, j’ai eu la sensation de lire la prose d’un titi parisien d’outre-tombe, à la vulgarité infinie, sachant à peine écrire. Extrait choisi, page 153 : « Et je peux pas dire que c’était pas sincère. Y a des sentiments qu’on a tort de pas insister, ils rénoveraient le monde je dis. » Passons sur le fait que l’auteur aurait sans doute pu affiner l’écriture de ce manuscrit notamment par davantage de ponctuation. Pour tout vous dire, la lecture de ce roman autobiographique m’a été particulièrement pénible.
J’ai toujours fait l’effort de contextualiser l’anti-sémitisme de Céline. Un homme de son temps, me disais-je, né au sein du petit peuple de droite d’avant-guerre, dans une famille probablement anti-dreyfusarde. Sa haine des juifs, hélas, est avant tout la conséquence d’une sordide histoire d’amour. Fou amoureux d’Elizabeth Craig, il apprend au terme d’un voyage en Californie pour la retrouver qu’elle vient de se marier avec un juif, alors qu’elle le quitte en 1933. Après avoir pris le temps de lire ce manuscrit et aussi d’écouter Céline, mon avis est définitif. A lueur des mots employés dans ce roman exhumé des poubelles de l’histoire, il ne fait aucun doute dans mon esprit malingre que Louis Ferdinand Destouches était une raclure, dont le génie m’aura passablement échappé. J’espère que vous ne m’en voudrez pas et, pour ce qui le concerne, je préfère en rester là.
1