La 2e classe

La 2e classe

Jusqu’ici, je ne m’étais pas exprimé sur le conflit des gilets jaunes.

Constat

En tant que maire d’une petite commune rurale de 540 habitants, je sens la colère monter dans la population depuis plusieurs années. Elle avait démarré en 2005, par le non majoritaire au projet de TCE. Elle avait été canalisée brillamment par Sarkozy en 2007, qui s’est au passage avec Hollande assis sur les résultats du référendum de 2005. Au final, il n’aura pas fait le programme pour lequel il avait été élu. En 2012, plutôt que de faire une politique de gauche, Hollande a oublié son électorat.

Macron a été élu, il y a 18 mois, avec 24% des voix. Si vous retirez tous les électeurs qui ont voté par défaut ou pour nous éviter le programme de Fillon, il aura été sans doute le Président le plus mal élu de l’histoire de la 5e République. La seule légitimité dont il dispose aujourd’hui, c’est celle que lui procurent nos institutions. Son très jeune âge m’apparaît aujourd’hui comme un handicap. Il est détesté – et je pèse mes mots – par une majorité d’électeurs.

De bons clients

Les Français amalgamés au mouvement des gilets jaunes ont la sensation aujourd’hui d’être sacrifiés sur l’autel de la transition énergétique et de l’écologie. Ils ont hélas complètement raison. L’automobile et l’automobiliste sont devenus les vaches à lait et la variable d’ajustement des politiques fiscales des gouvernements successifs. Quid du ferroutage ? Quid de la taxation des billets d’avions et des cargos venus de Chine qui déversent nos gadgets numériques et les jouets de nos enfants dans les vitrines des magasins, après avoir traversé des milliers de kilomètres au fuel lourd ou au diesel marin ? Quid des passoires énergétiques ?

Propositions

Le gouvernement a décidé de suspendre la taxe sur les poids lourds et les péages urbains. Mardi, Macron, s’il veut que la colère s’éteigne, doit annoncer la suspension sine die de l’augmentation des taxes sur le carburant qui devrait intervenir en janvier 2019. Il devrait, dans la foulée, proposer la défiscalisation des revenus issus du co-voiturage. Il devrait aussi mettre en œuvre une taxation des grosses bagnoles, des billets d’avion, des marchandises déversées par cargos polluants dans l’hexagone. Il faut également, au plus vite, résorber l’explosion du trafic des camions étrangers qui inondent notre territoire en particules fines, en leur substituant le ferroutage par la contrainte. Nos enfants, nos vieux étouffent de leur pollution. Afin de minimiser nos déplacements et de favoriser le télétravail, il devrait instaurer un service universel de très haut-débit et une défiscalisation partielle des heures travaillées à domicile. L’énergie la meilleure marché, c’est celle que nous ne consommons pas ! Et si nous voulons avancer en matière de transition énergétique, il faut arrêter de conditionner les aides à la transition énergétique aux revenus.

Une Jacquerie ?

J’ai regardé et écouté au cours des derniers jours les députés du parti présidentiel et les éditocrates des médias français présents sur les plateaux de télévision depuis près de 45 ans pour certains d’entre eux. Ils ont tout d’abord cherché à décrédibiliser le mouvement en l’assimilant à une colère de gros beaufs, puis à une manœuvre politique de l’extrême-droite française. Selon eux, le mouvement des gilets jaunes s’apparenterait à une « jacquerie » ou à du poujadisme. C’est évidemment ignorer la réalité sociale de notre pays, où des femmes à la retraite touchent aujourd’hui moins de 800 euros de revenus par mois, alors qu’elles ont travaillé toute leur vie. Que penser de nos bacs +5 qui sont embauchés dans les caisses des magasins Carrefour à 1300 euros par mois ?

Retraités

Macron a dit vouloir privilégier le travail à la rente et il a financé la baisse des cotisations par une augmentation de la CSG pour les retraités. Je ne vais pas plaindre certains de ces retraités braillards et nantis qui préfèrent partir en voyage à des milliers de kilomètres de chez eux, plutôt que de soutenir leurs enfants et leurs petits-enfants dans la difficulté. A part leur empreinte carbone et de leur égoïsme forcené, ils ne lègueront pas grand-chose à l’humanité. En revanche, ce n’est pas cette minorité de personnes qui doit nous cacher la réalité, celle de l’appauvrissement de la majorité des retraités et, par ricochet, celui des classes moyennes qui doivent co-financer les frais d’hébergement de leurs vieux dans les EHPAD. Retraité des mines, mon grand-père Henri Macron – un Macron peut en cacher un autre – consacrait une bonne partie de sa retraite à soutenir ses enfants et ses petits-enfants, alors que nous n’étions pas vraiment dans la difficulté. Et il avait sa belle-mère vivant dans sa propre maison ! Que lui restait-il réellement à la fin du mois ?

Nos jeunes

Avec les politiques d’allègement de cotisations sur les bas salaires, nous avons enfermé nos jeunes sur-qualifiés dans la trappe à SMIC. Il est urgent d’arrêter de subventionner les bas-salaires et d’appliquer une baisse des charges homogènes à toute l’échelle des salaires. En l’absence de soutien de leurs familles, nos jeunes ont besoin de pouvoir d’achat pour construire leur vie. Ils ne peuvent même plus compter sur nos aumônes. L’État et les collectivités territoriales, par les impôts et les taxes, se chargent de vider nos poches.

La gauche

Cela fait maintenant 10 ans que j’ai quitté le Parti Socialiste. Ces constats, ces propositions, je les avais faites dès 2005. Où en serions-nous aujourd’hui si les militants avaient été préférés aux instituts et aux think tanks, dont le logiciel idéologique a amené à saigner et à appauvrir davantage les classes moyennes. C’est là que se fonde le mouvement des gilets jaunes et la responsabilité de la gauche de Jospin et de Hollande pour avoir oublié et sacrifié les classes moyennes est totale.

 
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