J’ai plusieurs raisons de penser que la reprise du programme électro-nucléaire français est une, très, très mauvaise idée.
La 1ère est que le choix du nucléaire est une idée du passé, celle d’un général en retraite reconverti à la politique datant d’il y a 60 ans. Le nucléaire civil est en réalité un effet collatéral de l’impulsion donnée par le Grand Charles pour que la France retrouve sa grandeur d’antan en se dotant de la bombinette. A l’époque, la France avait extrait son uranium de son sol pour amorcer le programme électro-nucléaire. Le souci est qu’aujourd’hui, nous importons tout notre uranium, ce qui nous amène parfois à vouloir intervenir dans le sud Sahel afin de protéger l’accès aux gisements du Niger. Avec la relance des programmes électro-nucléaires, la conséquence sera une forte pression sur l’offre et sur des prix qui devraient s’envoler dans les prochaines années. Le nucléaire n’est pas une énergie renouvelable ; il est donc tributaire d’une ressource qui finira par s’épuiser dans le temps, assez vite désormais au rythme des nouvelles centrales mises en service en Inde et en Chine. Faire le choix de l’uranium, c’est nous rendre dépendant de pays qui pèseront lourdement dans nos décisions géopolitiques. C’est aussi et surtout la garantie d’entretenir des conflits armés un peu partout dans le monde.
La 2e, c’est la dangerosité d’une technologie dont nous avons pu constater notre absence totale de maîtrise à Three Miles Island, Tchernobyl et Fukushima. Et puis, il y a aussi toute cette bêtise humaine, qui amène à de réelles menaces sur la santé des travailleurs et des habitants des centrales nucléaires françaises. Un cadre EDF vient de porter plainte contre son entreprise du fait d’incidents de sûreté majeurs qui se sont produits dans la centrale du Tricastin, sans qu’ils étaient été signalés à l’Autorité de Sûreté du Nucléaire. La construction des EPR nous a montré à quel point nous avions en grande partie perdu la maîtrise de cette industrie. Cette dangerosité liée à la radioactivité, ce sont aussi des tonnes de déchets à la Hague et ailleurs, enfouis dans les océans, que nous léguons aux générations futures. Carpe diem : jouissons sans entrave ! Mis en service en 1966, le réacteur nucléaire expérimental de Brennilis dans les Monts d’Arrée, arrêté en 1985, devrait être démantelé en 2040. Pour les réacteurs de Fessenheim, comme pour les autres centrales françaises, on espère qu’un jour, les poules auront des dents.
La 3e, c’est que les énergies renouvelables associées à un programme ambitieux d’économie d’énergie sur les maisons, de recherche sur les moteurs thermiques permettrait de couvrir nos besoins énergétiques. Le développement des réseaux de chaleur en milieu urbain et de la géothermie, de l’éolien, des hydroliennes et de l’hydroélectricité, du solaire, de la biomasse nous permettrait une sortie conjointe du pétrole et du nucléaire. Grâce à nos éoliennes marines, nous pouvons aussi envisager la production d’hydrogène vert, dont nous aurons besoin pour une nouvelle génération de moteurs thermiques. C’est le sens du scénario proposé par Negawatt. Il nous faudra, toutefois changer de pied, en arrêtant de distribuer tout ce courant sur des autoroutes européennes de l’électricité qui accroissent notre dépendance au nucléaire. Tâchons de distribuer le courant aux populations auprès desquelles la production électrique est réalisée.
Ce matin, j’ai une pensée très personnelle pour mon pote, Arnaud Binard.
Le scénario Negawatt est plutôt bon dans l’ensemble mais, de cette fixette maladive anti-nucléaire, relève l’incohérence de certains points importants dont – et pas que – (page 26 de la partie 3) : « avec le choix du nucléaire, la France reste dépendante d’un approvisionnement en minerai brut d’uranium essentiellement importé [..] , générant également des responsabilités quant aux impacts des activités d’extraction de matière dans ces pays sur l’environnement et les populations locales ».
Entre dépendante d’approvisionnement et impacts des extractions de matière, les éoliennes et le photovoltaïque c’est mieux ?
Accessoirement, je n’ai jamais bien compris pourquoi les écolos, sont à ce point obsédés par le nucléaire civil qui a le bon goût de produire de l’électricité quasiment décarbonée ; alors qu’ils ne pipent pas grand mot sur le nucléaire militaire, ce pesticide de masse qui sera probablement utilisé un jour et dont les dizaines ou centaines de zones d’exclusions s’étendront bien au-delà de 30 km.
Le nucléaire civil est un avatar du nucléaire militaire.
C’est vrai, mais on peut très bien avoir le premier sans avoir le second. Je crois que Greenpeace a été fondé sur l’opposition aux essais de la bombe mais a reporté sa lutte contre le nucléaire civil dès lors que les essais « in vivo » ont été arrêté. Pourtant les essais de la bombe sont toujours pratiqués « in vitro » et ce n’est pas mieux pour le futur ; bien que mettre « futur » et « bombe » dans la même phrase…
Aujourd’hui, on a tendance à limiter la pollution au carbone; hélas, il y a d’autres pollutions comme l’effet de serre auquel le nucléaire participe.
Excellente synthèse, rien à rajouter, merci !
Etant breton, j’enlève juste le « h » aux monts d’Arrée.
Merci. J’enlève le h de ce pas. Désolé.
Les énergies renouvelables ont toutefois besoin de travaux de recherche afin de les rendre à 100% non polluantes; à ce jour, aucune d’entre elles n’est écologiquement acceptable; nous sommes à un stade où on ne fait que remplacer un problème par un autre. Quant à la sobriété énergétique elle a besoin de recherches également: numérique et véhicules électriques gourmands en énergie.