La question des deux France n’est pas franchement neuve. Elle s’est posée à plusieurs moments de notre histoire et de notre République. Collabos contre gaullistes, gilets jaunes contre élites mondialisées, laïcards dreyfusards contre catholiques anti-républicains, pro-européistes contre anti-maastrichtiens, etc.
Je vais essayer d’être très simple. Ne le soyons pas trop tout de même. A chaque fois que je vais à Paris, que j’emprunte le métro, je n’ai pas la sensation de vivre dans le même pays. Là où je vis, à Saint-Eloi-de-Fourques, il n’y a aucune personne – ou presque – à la peau pigmentée, venant de contrées lointaines. Les gens qui viennent vivre à la campagne fuient la ville, les incivilités, la délinquance et les trafiquants, le bruit et la puanteur des rues souillées, les sirènes des véhicules d’urgence. Ici, ils ont cette drôle de sensation – qui résonne comme un slogan d’un meeting du Rassemblement National – d’être chez eux. Et d’ailleurs, très vite, nos nouveaux habitants arrachent les haies qui entourent leur propriété, au profit de murs en parpaings. A la manière d’escargots, ils transportent avec eux leur sentiment d’insécurité, alors que nous vivons dans nos campagnes euroises en sécurité.
Lors du confinement, nous étions plusieurs blogueurs réunis autour d’Amine El Khatmi, président du Printemps Républicain. Il nous disait que le voile ne lui posait pas de problème, sous certaines conditions. Voir une femme voilée est pour moi la pire des images, celle d’un pays où la femme est considérée comme une espèce de sous-homme. J’ai la même vision cauchemardesque pour les femmes des juifs orthodoxes qui sont obligées de se perruquer pour aller faire leurs courses. Nous avons mis des siècles à nous affranchir de ces obscurantismes religieux qui asservissent et avilissent les femmes. Et je ne vois en quoi ce qui était inacceptable hier serait acceptable aujourd’hui.
La crise économique et sociale de la fin des années 70 et du début des années 80 aura rejeté la population française d’origine immigrée dans les barres d’immeubles de nos grands centres urbains. Par nécessité, l’économie parallèle s’y est développée, en même temps que la radicalité religieuse dans un terreau communautariste exacerbé. La nature a horreur du vide et il fallait se serrer les coudes. Et soyons honnêtes : nous ne savons plus comment faire, face à la sécession de nos territoires, de notre République. Et je crains que l’absence de réponse ne fasse que renforcer les thèses du Rassemblement National dans l’opinion. C’est d’ailleurs ce qui est en train de se passer !
Des France, j’en vois trois : les « bobos » hyper-connectés des grandes villes et des campagnes auxquels j’associe volontiers les retraités aisés ; la population d’origine immigrée des banlieues urbaines ; les p’tites gens des villes et des campagnes. Globalement, les 1ers votent pour les partis de gouvernement. Les seconds ne votent pas. Les derniers – pas tous encore – revendiquent haut et fort leur « identité » française en votant majoritairement Rassemblement National. L’appauvrissement des 1ers – de cordée ? – risque de nous plonger, demain, dans un tout autre schéma politique.
Le paradoxe – mais en est-ce vraiment un ? – avec les tristement fameux « bobos », c’est qu’ils sont à la fois hyper-connectés et totalement déconnectés.
Pour le reste, il y aurait à dire, à propos de vos oppositions bien trop manichéennes du début de billet (laïcards dreyfusards contre catholiques anti-républicains, etc.)… mais j’ai la flemme !
@Didier
Je suis d’accord sur les oppositions manichéennes. Elles servaient à l’illustration.