Hier soir, j’ai vite fait rencontrer un paysan agriculteur agroculteur du Gros-Theil qui m’a lancé devant la foule massée autour d’un verre d’un excellent muscat pétillant : « Vous n’y connaissez rien à la campagne !« .
Il a sans doute raison. Mais, venant de lui, j’avoue que ses leçons à deux balles m’en touchent une sans bouger l’autre. Il y a 25 ans de cela, lorsque je coupais ma haie, je collectais une dizaine de nids d’oiseaux. Cette année, aucun. Leur nombre a baissé de 30% en 20 ans. Pourquoi ? Nos terres agricoles sont passées en culture. Nos agriculteurs ont arraché les haies qui restaient. Plus d’herbe. Plus de fossés. Trop d’entretien. Avec l’arrivée de la pomme de terre dans notre commune, les traitements pesticides ont explosé au point où les molécules parviennent dans nos nappes phréatiques, du fait du ruissellement. Leur agriculture est tout sauf raisonnée : elle est devenue totalement folle, irraisonnée, déraisonnable.
Nous avions des osmies. Cela fait deux ans que je n’en vois plus une seule. Nos agroculteurs empoisonnent le sol, l’air que nous respirons et l’eau que nous buvons. Ils ne nous nourrissent plus. Ils nous intoxiquent. Stop. J’ai discuté avec le correspondant normand de l’association Phyto-victimes. C’est un agriculteur qui s’engage à diminuer la consommation de pesticides de 70% avec d’autres collègues dans le secteur du Vexin. Les 1ères victimes des pesticides sont aujourd’hui les agriculteurs eux-mêmes. Lymphomes, mélanomes, cancers du cerveau, cancers de l’œsophage, maladie de Parkinson, voilà de quoi meurent aujourd’hui les agriculteurs ! Il est maintenant temps de leur expliquer que, s’ils veulent se suicider à petit feu, nous n’acceptons pas qu’ils en fassent de même avec l’ensemble de notre population.
Samedi 24 août, un agroculteur de mon village a expliqué à mon 1er adjoint que l’eau de ruissellement sortant de ses champs pouvait être consommée par l’homme. Il faut dire que cet agroculteur a toujours eu l’art de prendre les gens pour des cons. Suite à un orage qui a déversé près de 20 tonnes de terre de son champ de patates sur la route, il a tout de même osé me dire, fataliste, qu’un jour il n’y aurait plus de ruissellement du fait de l’érosion qu’il provoquait. En d’autres époques, on nous expliquait que la terre était plate. C’est vrai qu’à la vitesse à laquelle il saccage la nature et le paysage, je me demande si ce genre de personnages n’aurait pas tort d’avoir raison trop tôt.
Les agroculteurs ne représentent aujourd’hui plus qu’eux-mêmes. Ils sont détestés de la population rurbaine à laquelle ils ont vendu leurs terrains. Et ce sont les seuls à ne pas s’en rendre compte. Le Préfet de l’Eure aurait donné des instructions pour que nos agriculteurs ne traitent plus à côté des écoles. A Saint-Paul-de-Fourques, une des institutrices, Béatrice, est allée voir Olivier – dont le fils est scolarisé à l’école – pour lui demander de ne plus traiter à proximité de l’école. Olivier fait partie de ces agriculteurs-paysans qui ne se comportent pas comme des sagouins. Il a accepté ! Nous ne pouvons que l’en remercier. Lorsqu’ils rentrent chez eux dans leurs maisons situées en bord de champs, ces mêmes enfants subissent les traitements pesticides. Le Préfet de l’Eure, en reconnaissant une exception pour l’école, s’expose à de nouveaux arrêtés de la part de maires soucieux de protéger leur population. Il a de la chance : ils ne semblent pas nombreux dans notre département !
Les langues se délient. Des habitants de ma commune qui vivent route de Saint-Paul m’ont fait part que l’agroculteur des parcelles jouxtant leurs habitations passe les bras de son pulvérisateur au-dessus de leur propriété pour traiter au ras. Les habitants n’en peuvent plus ! Je voudrais m’excuser auprès d’eux pour ne pas avoir réagi plus vite. Il m’a fallu attendre la dernière année de mon mandat pour enfin comprendre que j’étais maire et que je pouvais agir.
A cause du vent, le prosulfocarbe, herbicide utilisé notamment sur la pomme de terre, est retrouvé sur les poireaux et les pommes bios tardives à des doses déclassantes (perte du label) à plus de 500 m de sa cible donc la bande de traitement de 150 mètres est un non sens scientifique, sauf à interdire les molécules qui vont plus loin. La distance nécessaire dépend du produit et du vent et va de 10 mètres à 1000 mètres. Voici une note détaillée de l’ANSES, édifiante quoique fortement élaguée pour des raisons de confidentialité :
https://www.anses.fr/fr/system/files/PPV2017SA0150.pdf